« Noirs en France » sur France 2 brosse le portrait d’une France raciste

Par Augustin
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Mardi soir, France 2 diffusait Noirs en France, un documentaire en deux partie sur le « racisme institutionnel » et les discriminations en France. Analyse. 

« Nous voulions que ce film soit l’occasion pour les Noirs de France de prendre la parole, d’exprimer leurs inquiétudes mais aussi leur fierté, de revendiquer leur identité, leurs trajectoires multiples, pour finalement être sujets de leur propre histoire », expliquaient dans leur note d’intention la réalisatrice du film Aurélia Perreau et l’écrivain Alain Mabanckou, qui a donné sa voix pour raconter ce documentaire. Ce film, qui n’est pas assez « en colère », pas assez « militant » selon la journaliste de France Inter Sonia Devillers, stigmatise une France de préjugés racistes. 

Le documentaire qui a rassemblé 2,56 millions de téléspectateurs donnait la parole à plusieurs personnalités publiques comme Jean-Pascal Zadi, Karine Baste-Régis, Yannick Noah ou encore le chanteur Soprano pour témoigner de leurs expériences de noirs en France ainsi qu’à des personnes inconnues du grand public. Nous découvrons ainsi le témoignage Kathy Laurent Pourcel, aspirant à devenir danseuse de ballet. La jeune femme de 22 ans explique à quel point elle peine à trouver une place dans le milieu du ballet qui accueillerait surtout des personnes de couleur blanche. Pour illustrer son propos, la danseuse est alors filmée en train de teindre à la brou de noix ses affaires de danse, parce qu’il n’existerait pas de pointes ou de collants adaptés à sa carnation. Et France 2 d’ajouter que Kathy prend le risque de s’abîmer les pieds avec cette teinture qui ramollit les pointes. Une séquence qui fait écho au « sparadrapgate », la polémique lancée en 2018 par Rokhaya Diallo à propos de la couleur des sparadraps. Invitée sur le plateau de “C politique” pour évoquer les ateliers non mixtes, la militante anti raciste disait « vivre dans un pays qui lui donne le sentiment qu’elle n’existe pas parce que rien n’est pensé pour elle, ni les pansements, ni les coiffeurs, ni le fond de teint ». 

J’ai fait tout ce que je pouvais, mais je ne me suis pas peinte en blanc, ça c’est sûr

Le documentaire plonge ensuite dans des images des championnats du monde de patinage artistique organisés à Chiba au Japon en 1994. La jeune patineuse artistique Surya Bonaly avait fait une prestation si réussie techniquement qu’elle et son équipe étaient persuadées qu’elle obtiendrait la médaille d’or. Quelle n’a pas été sa surprise à l’annonce des résultats lorsqu’elle se vit décerner la deuxième marche du podium, derrière sa concurrente japonaise. En colère contre les juges, elle se présenta à la remise des médailles en colère et en pleurs après avoir déclaré « J’ai fait tout ce que je pouvais, mais je ne me suis pas peinte en blanc, ça c’est sûr ».

C’est au tour de la promotion du couple mixte. Anaïs et Oumarou vivent heureux et ont eu trois enfants métisses. Ils sont sur la route des vacances dans leur camping car et lors d’un pique nique en famille, Anaïs demande à son aînée de lui décrire sa couleur de peau. « Toi tu es beige, moi je suis marron clair et papa il est noir » répond la fillette. Son petit frère lui rétorque qu’il « va bientôt devenir multicolore ». Le métissage selon eux « permet de repenser les rapports entre les Blancs et les Noirs, d’additionner les cultures en dépit de leurs différences et donc de repenser notre humanisme ». La maman espère ainsi que ses enfants croient en la cohabitation des cultures à la maison, dans le pays et même dans le monde.

Un Blanc ne peut pas avoir raison contre une Noire ou une Arabe.

Oumarou, Soprano, Jean-Pascal Zadi, Yannick Noah racontent avoir subi le racisme dans le train, à l’école, sur les cours de tennis ou encore au moment de réserver une chambre d’hôtel. Et tous ont dans leur ascendance une femme de ménage. Parce qu’il faut comprendre que la France, raciste comme elle est, a cantonné les femmes noires à des métiers ingrats. D’ailleurs Soprano range toujours sa chambre avant de partir, songeant à sa mère … 

Que serait un film documentaire sans l’intervention d’un ou une universitaire. Qui de mieux placé que Maboula Soumahoro pour nous donner son éclairage académique sur ces questions raciales en France. La maîtresse de conférence à l’université de Tours et spécialiste de la diaspora noire et africaine a fait des identités raciales son sujet de prédilection et évoque dans son livre “Le triangle et l’hexagone, réflexions sur une identité noire”,  « la violence explicite ou insidieuse du racisme en France ». L’idéologue avait d’ailleurs expliqué lors d’un TED en novembre 2020 qu’ « un Blanc ne pouvait pas avoir raison contre une Noire ou une Arabe ». Tiens, sa mère aussi était femme de ménage. 

La grande méchante France a quand même porté aux nues quelques personnalités noires. C’est le cas notamment de Mory Sacko, aux racines maliennes et sénégalaises, qui dirige le restaurant MouSuke, à Paris, table métissée dotée d’une étoile au Michelin. Le chef admet quand même faire partie d’une génération « qui a le droit de rêver ». Mais à aucun moment l’on entend l’un des témoins prendre le parti de remercier la France pour leur avoir donné l’opportunité de réaliser leur rêve.

 

 

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