C’est une version du texte de Dante en néerlandais qui fait polémique. Le style a été adapté pour « ne pas heurter inutilement » explique l’éditeur pour justifier la suppression des passages de l’oeuvre qui convoquent le prophète Mahomet.
En cette année de commémoration des 700 ans de la mort de Dante Alighieri, un éditeur néerlandais a décidé de rééditer l’œuvre mondialement connue en l’adaptant selon notre époque. En fait, la version de « L’Enfer », premier volet du triptyque de « La Divine Comédie » a été retraduite par Blossom Books, l’éditeur qui a demandé que l’on en retire la mention de Mahomet, prophète musulman, pour « éviter que le livre soit inutilement blessant », rapporte De Standaard.
La décision a été prise dans la période tendue qui a vu la mort de l’enseignant Samuel Paty en France.
Cette décision prise à titre préventif est décriée depuis la diffusion d’une émission sur la station belge Radio 1, dans laquelle la traductrice Lies Lavrijsen a annoncé la nouvelle. Le texte datant du XIVe siècle a été traduit «comme si Dante était un slameur des XIIIe et XIVe siècles », indique Radio 1 sur son site. « Sauf que dans cette nouvelle traduction, un passage sur le prophète Mahomet a tout simplement été remanié, afin d’en faire disparaître le nom du prophète » relève l’hebdomadaire Valeurs Actuelles. Sur la radio belge, la traductrice a mis en avant une accessibilité « la plus large possible » notamment destinée à « un public plus jeune » pour justifier ce retrait. Elle ajoute : « On savait que si on laissait ce passage tel quel, on aurait blessé inutilement une grande partie des lecteurs ». Lies Lavrijsen dévoile même que la décision a été prise « dans la période tendue qui a vu la mort de l’enseignant Samuel Paty en France ».
Les papes, Judas, les meurtriers de César, ou les homosexuels tant décriés par l’Église catholique n’ont pas été exclus.
On peut parler de censure car le passage dans lequel intervient Mahomet est une étape clé de l’ouvrage, à un moment où Dante pénètre dans l’enfer, rappelle Courrier international, et où il rencontre de nombreuses personnes à travers plusieurs cercles. Des figures historiques y sont alors enfermées « en raison de leurs pêchés plus ou moins graves ». Mahomet est lui puni pour avoir diffusé « sa religion qui aurait semé la discorde sur Terre ». Les papes, Judas, les meurtriers de César, ou les homosexuels quant à eux, sont toujours bien présents, alors qu’ils sont très décriés par l’Église catholique. Pour justifier cette sélection, la traductrice affirme que « de tous les pêcheurs qui figurent dans l’Enfer, Mahomet est décrit de la façon la plus atroce et dénigrante ».
Cette prise de position passe mal. De nombreux auditeurs, y compris musulmans, ont fait savoir que la traduction était à la fois « dénigrante vis-à-vis des musulmans mais aussi des jeunes lecteurs ». Ils ne seraient ainsi pas capables de remettre une œuvre dans son contexte. D’ailleurs, pour l’écrivain marocain Abdelkader Benali, qui a lu d’autres versions traduites en arabe, le passage était resté. Les auteurs avaient juste placé des « notes de bas de page » afin d’expliquer que l’œuvre était à remettre dans son contexte.
- Crédits photo : Illustration de L’Enfer de Dante par Gustave Doré. Wikimedia commons cc.