Dégoutée par l’Éducation nationale, Marie* a choisi de devenir institutrice dans une école hors contrat qui prône la méthode « instructiviste », par opposition à la méthode « constructiviste » appliquée dans les écoles classiques.
L’imper.- Qu’est ce que l’école hors-contrat et quelle est la différence avec les établissements de l’Éducation nationale?
Marie D.- Plutôt que d’écoles « hors contrat », je préfère parler d’écoles « libres ». En effet, les écoles hors contrat sont indépendantes de l’État et sont donc libres de leurs programmes et de leurs méthodes
Pourquoi avoir fait le choix d’exercer dans ce type d’école ?
Avant de travailler dans une école dite « hors contrat », j’ai souhaité exercer dans une école publique. J’ai donc intégré l’IUFM qui préparait au métier de professeur des écoles dans le public. Cependant je n’ai pas du tout adhéré aux méthodes pédagogiques qui y étaient enseignées : en effet, les pédagogies actuelles sont énormément inspirées d’idéologues comme Pierre Bourdieu. Ils veulent placer l’enfant au centre des apprentissages et appliquent des méthodes « constructivistes » selon lesquelles l’enfant est à égalité avec le professeur et construit lui-même ses apprentissages. Le professeur n’est plus qu’une sorte d’animateur qui propose des situations à problèmes que l’élève devra résoudre seul ou en groupe. Ce genre de méthode me paraissait utopiste et surtout inapplicable dans des classes d’une trentaine d’élèves.
J’ai été au contraire séduite par les méthodes proposées à l’école où je travaille qui sont à l’exact opposé de celles appliquées à l’éducation nationale. En effet si l’enfant reste au coeur des apprentissages, c’est l’enseignant qui est dépositaire du savoir et qui le transmet à l’élève. C’est la méthode dite « instructiviste », qui n’empêche pas une grande diversité de façons de faire et de posséder une grande capacité d’adaptation selon les élèves et à leurs difficultés éventuelles.
Chaque année des parents inscrivent leurs enfants dans le hors contrat car ils sont catastrophés de la pauvreté des apprentissages dans le système.
Comment l’école trouve ses financements ?
Comme les écoles hors contrat sont libres, elles ne perçoivent aucun financement de l’État et doivent donc trouver leurs financements elles-mêmes. L’école où j’instruis est financée à la fois par les parents qui payent la scolarité de leurs enfants mais également par des campagnes de dons. En effet grâce aux dons des bienfaiteurs les scolarités restent abordables et permettent donc une diversité sociale parmi les élèves.
L’établissement dans lequel vous travaillez est une école primaire et un collège. Le brevet, qui est un diplôme national, s’organise-t-il de la même manière pour vos élèves que pour ceux des écoles plus classiques ?
Je suis enseignante dans le primaire donc je ne suis pas au fait de la préparation au brevet. Le brevet n’est pas un examen obligatoire en fin de 3eme mais l’école a choisi d’y préparer tout de même les élèves afin de leur donner confiance.
Constatez-vous un décalage de niveau entre vos classes et celles de l’Éducation nationale?
Comparé à ce que j’ai étudié lors de mes études à l’IUFM les contenus du programme sont bien plus complets et fournis. En particulier en Français matière enseignée avec beaucoup de rigueur et en histoire, matière toujours enseignée de façon chronologique.
Ce n’est pas parce qu’une école est libre du choix de ses contenus et de ses méthodes que l’État n’y a aucun droit de regard.
De plus, chaque année des parents inscrivent leurs enfants dans le hors contrat car ils sont catastrophés de la pauvreté des apprentissages dans le système. Cependant grâce aux méthodes rigoureuses enseignées à l’école, je suis toujours émerveillée de voir les progrès particulièrement rapides d’élèves qui arrivent avec un décalage car ils ont commencé leurs cursus scolaire dans le système. Ces progrès que l’on observe quotidiennement nous confortent dans l’efficacité des méthodes d’apprentissage instructiviste face au constructivisme.
Les écoles hors-contrat sont mises sur la sellette depuis la fermeture de l’école musulmane d’Eschirolles, près de Grenoble en 2019. Emmanuel Macron a promis de surveiller toutes les écoles alternatives. Craignez-vous à terme une fermeture administrative de ces établissements en France ?
Ce n’est pas parce qu’une école est libre du choix de ses contenus et de ses méthodes que l’État n’y a aucun droit de regard. En effet les écoles hors contrat sont inspectées régulièrement afin d’y vérifier que la loi y est respectée et que les élèves ont un niveau correct. A l’école où je travaille, l’organisation est très rigoureuse, les enseignants sont enthousiastes et aiment leur métier. Je suis donc plutôt confiante en l’avenir, il n’y a pas de raison pour une fermeture administrative.
- Marie D est institutrice dans une école dite hors-contrat depuis 6 ans et demi.