Hinge : l’application de rencontres qui promet amour et désillusions

Par Marine
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Si le numéro un de la rencontre mobile depuis des années était Tinder, une nouvelle application arrive à le titiller, il s’agit de Hinge. Cette appli “conçue pour être supprimée” prémâche le travail de séduction, ce qui peut susciter des frustrations. 

L’algorithme peut-il jouer les cupidons? Il semble en tout cas avoir un coeur d’artichaut en période de pandémie. Les applications de rencontres sont très sollicitées en ce moment, et encore d’avantage depuis le couvre-feu. Depuis quelques semaines aux États-Unis, la catégorie « Dating » de l’App Store affiche un nouveau leader : une certaine application du nom de Hinge. Créée en 2012, dans le sillage de Tinder, Hinge a longtemps vécu dans l’ombre du premier. Puis la société qui appartient aussi au groupe Match a compris que pour se démarquer, il fallait avoir quelque chose en plus. Les créateurs de l’application de rencontres ont pris le parti en 2015 de s’éloigner de la culture du glissement inconscient ou du « swipe » pour reprendre le langage Tinder afin de permettre aux utilisateurs de trouver l’amour avec un grand A : l’application fait correspondre les utilisateurs en fonction de leurs centres intérêts et préférences, et inspire des conversations à partir de cela. Hinge affirme que 75% des premiers rencards qui se produisent à la suite d’une connexion se transforment en deuxièmes rencards. Permettre au gens de vivre des histoires plus profondes qu’avec Tinder, c’est leur fond de commerce. C’est pour cette raison que pour faire partie de la machine Hinge il faut remplir un profil, et répondre à trois questions à partir d’une liste prédéfinie. Cela inclut des choses comme les prochaines destinations de vacances, la chanson préférée du moment, les complexes de chacun. 

Hinge est contente quand les clients la quittent. Parce que si les clients la quittent ça voudrait dire qu’elle a fait son job. 

Fort d’une mauvaise première expérience en tant qu’application de rencontres aléatoires, Hinge décide de tout miser sur une communication autour de la « déconnexion ». Dans sa dernière campagne de publicité, l’application présente sa mascotte : un personnage poilu, attendrissant semblable à une guimauve. Tout au long du spot publicitaire, le petit bonhomme traverse des situations dramatiques. Il brûle dans un feu de camp puis se fait renverser par un taxi. Ainsi, après ses mésaventures, il disparait comme Hinge. Cette campagne s’inspire de la volonté d’Hinge de voir ses utilisateurs quitter l’application pour vivre pleinement des relations amoureuses. En effet, cela peut sembler paradoxal mais l’entreprise est contente quand les clients la quittent. Parce que si les clients la quittent ça voudrait dire qu’elle a fait son job. 

La crise sanitaire a mis un terme aux rencontres fortuites dans les bars mais la quête de l’amour continue sur les applications de rencontres. Hinge se targue d’aider les Roméo et Juliette à se trouver en rapprochant des profils qui selon ses algorithmes, semblent correspondre. Les échanges commencent par messagerie avant de passer par la « vidéo chat », fonctionnalité que Hinge et de nombreuses autres applications ont mis en place avec la crise sanitaire. Si ça marche en ligne, les tourtereaux digitaux se donneront un rendez-vous physique sur un banc public ou dans un parc, loin des terrasses de cafés et restaurants qui sont fermés pour cause de coronavirus. 

« Je ne le reverrai pas je pense. On a bien rit mais il manquait quelque chose. Ça n’était pas fusionnel. » 

Mais que se passe-t-il si la façade que l’on met en ligne tombe à la rencontre physique? « Le problème avec Hinge, c’est la sélectivité. » affirme Chloé, étudiante en psychologie qui s’est spécialisée sur les questions de l’amour. « Il ne relève pas du tout du même ressort psychologique inconscient de se rencontrer sur une application mobile et de se rencontrer dans la vie réelle. Lorsqu’un sujet sélectionne des critères de choix du partenaire sur une application de rencontre, il va d’emblée, dans la question de la relation, inférer ou invoquer quelque chose de l’ordre d’une représentation du partenaire idéal. » Pour la jeune femme, ce type de mécanisme crée des frustrations liées à une idéalisation trop vive de la personne rencontrée virtuellement. Le problème serait que l’on « s’investit trop rapidement ». 

L’expérience de Victoria confirme cette thèse. La jeune femme qui vient de finir ses études a décidé de partir à Londres pour une année de césure a téléchargé Hinge peu de temps après son arrivée. Dans un premier temps, elle comptait là-dessus pour se faire des amis. Il faut dire que dans la capitale anglaise, Hinge s’est largement démocratisée. Et si Victoria a téléchargé l’application parce que « ici tout le monde fait ça », la jeune femme de 24 ans a craqué pour un garçon originaire du Pérou avec qui elle a vivement échangé. Ils se sont donnés rendez-vous pour se promener à Regent Park et à l’issue de l’après-midi, elle a un jugement catégorique : « Je ne le reverrai pas je pense. On a bien rit mais il manquait quelque chose. Ça n’était pas fusionnel. » 

Cette application a le défaut d’engendrer un besoin nouveau chez leurs utilisateurs : celui de pouvoir choisir avec exigence leur partenaire amoureux. « À travers cette illusion de liberté, nous nous sommes peu à peu détournés des rencontres réelles. » affirme l’étudiante en psychologie. Tout comme les médias sociaux, il est clair que les applications de rencontres nous connectent, mais elles permettent aux utilisateurs de se mettre en scène, de gérer et de filtrer leurs défauts avant que nous puissions le faire. Pour Chloé, le vrai risque c’est qu’on soit déçus. « Je pense que ces applications sont efficaces pour jouir d’un sentiment de liberté et de maîtrise sur la rencontre qui s’avère, ma foi, plutôt satisfaisant. En revanche, leur efficacité concernant l’aboutissement d’une relation pérenne et stable dans la réalité permise par le choix  d’un partenaire selon des critères de goût exigent reste encore à prouver.. »

Si une large majorité de la population comme Chloé, croit encore aux rencontres physiques, voilà maintenant une quinzaine d’années que de plus en plus de personnes se tournent vers des sites dédiés pour chercher l’amour. À tel point qu’une étude britannique, menée par le site de rencontre eHarmony et des experts de l’Imperial College Business School de Londres, a révélé que si ça continue, 2037 sera l’année où il y aura plus de « e-bébés » que de bébés dont les parents se sont rencontrés dans la vraie vie. 

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