Après Fillon en 2017, le PNF fait condamner Nicolas Sarkozy. Pour les hommes politiques de droite comme de gauche, cette institution créée par François Hollande en 2013 semble s’être transformée en machine à tuer l’opposition politique en vue des prochaines présidentielles.
Le verdict de la 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris a été rendu ce mardi : Nicolas Sarkozy est condamné à 3 ans de prison dont un an ferme dans le cadre de l’affaire des écoutes dites de « Paul Bismuth ». Ses coaccusés, son avocat Thierry Herzog et le juge Gilbert Azibert, écopent de la même peine, assortie pour le premier de cinq ans d’interdiction de la profession d’avocat. C’est le Parquet national financier (PNF) qui avait ouvert cette enquête visant l’ancien président de la République en 2014.
Depuis l’annonce de la décision, les voix à droite ne cessent de dénoncer une justice politique. « La sévérité de la peine retenue est absolument disproportionnée et révélatrice de l’acharnement judiciaire d’une institution déjà très contestée », a déclaré Christian Jacob, 30 minutes après le jugement. Si le camp Sarkozy s’est empressé de dénoncer une politisation du PNF, à gauche aussi est abasourdie. La condamnation à de la prison ferme de Nicolas Sarkozy « accroît le malaise politique du pays » et la « méfiance » envers la justice, a estimé mercredi le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.
Le candidat de LFI à la présidentielle avait posté un billet sur les réseaux sociaux, dans lequel il avait écrit: « Sarkozy condamné, Macron débarrassé d’un sérieux rival » .
L’avocat Régis de Castelnau qui était l’invité de Nelly Daynac dans 90 minutes infos sur CNEWS a également affirmé que « le sens de la décision était politique ». Celui qui a récemment publié un essai intitulé Une justice politique considère que le tribunal avait le choix entre relaxer Nicolas Sarkozy et c’est une partie de la magistrature qui décidait de ne plus suivre les « errements du PNF ». Ou de faire un bloc corporatiste en condamnant les accusés.
Le PNF outrepasse son rôle en se jetant sur des affaires d’une simplicité enfantine.
Le procès n’est pas fini. Nicola Sarkozy et ses coprévenus vont faire appel, tout comme le PNF qui entend permettre à la cour d’appel d’avoir toute latitude pour rejuger le dossier et éventuellement prononcer une peine plus lourde.
Le jugement rendu en première instance sur la base d’un dossier extrêmement creux interroge sur les motivations du PNF à agir. Il faut savoir que l’institution créée en 2013 par François Hollande dans le sillage de l’affaire Cahuzac était destinée à traiter les dossiers d’une grande complexité financière. Il fallait des magistrats spécialisés pour intervenir dans des affaires financières complexes, complétant ainsi le rôle du pôle d’instruction financier. On se rend compte que l’institution outrepasse son rôle, se précipitant sur des affaires d’une simplicité enfantine.
On se souvient de l’auto saisine du PNF dans le cadre de l’affaire Fillon qui aura disqualifié judiciairement le favori de l’élection présidentielle de 2017. « Ce qui est hallucinant dans cette affaire c’est la disproportion entre la peine prononcée et les faits. Démontrer qu’un emploi fictif est avéré ou pas c’est compliqué. » raconte un ancien collaborateur parlementaire au micro de l’Imper’média. « Moi j’ai été collaborateur parlementaire pendant 5 ans, très honnêtement je n’ai pas conservé de trace de ce que j’ai fait à cette époque. Je veux dire que c’est sur un disque dur à l’Assemblée mais après tout que des attachés parlementaires puissent exercer de chez eux et jouer un rôle d’influenceur, c’est tout à fait possible. » Sans oublier que les accusations à l’encontre de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy sont intervenues à une époque où une bonne partie des parlementaires salariaient leur conjoint. « Si on avait du appliquer la jurisprudence Fillon à tous les parlementaires, on aurait envoyé 300 parlementaires en correctionnelle » affirme le juriste qui ne souhaite pas mentionner son nom.
Tout comme l’affaire Fillon, l’affaire Sarkozy est disproportionnée. « Ces conversations n’ont pas eu d’effets : aucun des protagonistes ne se sont rendus service in fine » rappelle l’ancien juge d’instruction et avocat au barreau de Paris Hervé Lehman dans les colonnes du Figaro. « Toute l’affaire repose sur des écoutes parfaitement illicites. Dans quelle démocratie pouvons nous accepter qu’un leader de l’opposition et son avocat soient mis sur écoute pendant huit mois ? Que reste-t-il du secret de la défense ? Dans un Etat de droit, la fin ne justifie pas tous les moyens. » a-t-il ajouté.
Il faudrait introduire une vraie deuxième voix à l’ENM, voire la supprimer totalement.
Selon l’avocat Régis de Castelnau, cette politisation de la justice qu’il estime être une réalité, « est trop souvent considérée par le monde politique comme un atout ». Il ajoute que « beaucoup de ceux qui ont protesté contre le sort fait à François Fillon, ne verraient peut-être pas d’inconvénient à ce que cela arrive de nouveau à un de leurs concurrents. »
Pour éviter cette immixtion de la justice dans la politique, Hervé Lehman a proposé dans un entretien pour l’hebdomadaire Valeurs Actuelles « de créer un parquet, qui serait compétent pour juger les affaires mettant en cause les politiques ». Selon l’avocat, « ce procureur devrait être désigné d’une manière garantissant son indépendance. Par exemple, il pourrait être nommé par le Conseil supérieur de la magistrature avec l’agrément des deux tiers du Parlement, de manière à n’être inféodé à aucun camp ».
L’ancien collaborateur parlementaire qui a accepté de répondre aux questions de l’Imper’média propose « d’introduire une vraie deuxième voix à l’ENM, voire à la supprimer totalement. L’intérêt serait de recruter des magistrats plus âgés, sur la base d’une expérience personnelle qui crée une légitimité de juger. Soit le fait d’avoir été avocat, soit le fait d’avoir été professeur de droit, soit le fait d’avoir exercé une profession en lien avec la justice » a-t-il ajouté.
Si l’hypothèse de voir la justice récidiver et intervenir dans le processus électoral qui s’est ouvert pour 2022 est a laisser sur la table, la postérité de l’ancien chef d’État Nicolas Sarkozy est pour l’instant fichue en l’air.